Ne statue pas ultra petita le juge qui, saisi d’une demande de résiliation d’un contrat administratif, en prononce l’annulation

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ROBERT-VEDIE Isabelle

Avocat associée

Conseil d’Etat, 9 juin 2021, CNB et M. A., req. n°438047

L’office du juge du contentieux contractuel n’est pas limité par la demande du requérant qui sollicite la résiliation d’un contrat : il peut en prononcer l’annulation.

Ce qu’il faut retenir :

Par un arrêt en date du 9 juin 2021, qui sera mentionné aux tables du recueil Lebon, le Conseil d’Etat vient préciser que « (…) le juge du contrat saisi par un tiers de conclusions en contestation de la validité du contrat ou de certaines de ses clauses dispose de l’ensemble des pouvoirs mentionnés au point précédent (résiliation, annulation totale ou partielle) et qu’il lui appartient d’en faire usage pour déterminer les conséquences des irrégularités du contrat qu’il a relevées, alors même que le requérant n’a expressément demandé que la résiliation du contrat. »

Pour approfondir :

Dans cette affaire, une commune a lancé une procédure adaptée en vue de conclure un marché portant sur une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage et d’accompagnement juridique pour la construction et la gestion d’un crématorium.

Après l’attribution du marché à une société, l’avocat associé d’un cabinet qui avait vu son offre rejetée a saisi le tribunal administratif de Bordeaux aux fins de voir prononcer la résiliation du marché, mais s’est trouvé débouté par un jugement du 6 juin 2017.

Faisant appel, le requérant sollicite alors, outre la résiliation du contrat, son annulation. La cour administrative d’appel de Bordeaux, par un arrêt du 28 novembre 2019, rejette l’appel formé à l’encontre de ce jugement en considérant ces conclusions comme nouvelles donc irrecevables : « le juge du contrat ne peut, sans excéder son office, regarder comme tendant à l’annulation du contrat des conclusions qui tendent uniquement et explicitement à sa résiliation ni, saisi de telles conclusions, prononcer d’office la nullité de ce contrat. ».

Le Conseil d’Etat casse cet arrêt en rappelant d’abord le considérant de principe de sa décision Tarn et Garonne :

« Saisi d’un recours de pleine juridiction contestant la validité du contrat ou de certaines de ses clauses par un tiers justifiant que la passation de ce contrat l’a lésé dans ses intérêts de façon suffisamment directe et certaine, il appartient au juge du contrat, en présence d’irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l’exécution du contrat, de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice de consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d’office, l’annulation totale ou partielle de celui-ci ».

Puis il souligne, précisément, que le juge saisi d’un recours en contestation de la validité d’un contrat est saisi d’un recours de pleine juridiction, ce qui lui permet de faire usage de toute la palette des mesures à sa disposition (poursuite de l’exécution du contrat, régularisation, résiliation ou annulation), indépendamment de la formulation des conclusions par les parties.

Il confirme ainsi pour le contentieux « Tarn et Garonne » (recours des tiers au contrat) cette analyse qu’il avait déjà opérée s’agissant du contentieux « Béziers II » (recours formé par les parties au contrat contre les mesures d’exécution de ce dernier), et s’agissant du référé précontractuel.

A rapprocher : Conseil d’Etat, 27 février 2019, Société Opilo, req. n°410537 ; Conseil d’Etat, 20 octobre 2006, Commune d’Andeville, n°289234 ; Conseil d’Etat, 16 décembre 2006, Société Corsica Ferries, n°298618

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