De nouvelles mesures publiées pour lutter contre les recours abusifs

Photo de profil - ROBERT-VEDIE Isabelle | Avocat associée | Lettre des réseaux

ROBERT-VEDIE Isabelle

Avocat associée

Décret n°2018-617 du 17 juillet 2018 portant modification du CJA et du Code de l’urbanisme (JO du 18.07.2018)

Dans l’attente de l’approbation de certaines dispositions figurant dans la loi Elan, débattue cette semaine au Sénat, destinées à améliorer le traitement du contentieux de l’urbanisme (article 24 du projet de loi), le décret n°2018-617 du 17 juillet 2018 portant modification du Code de justice administrative et du Code de l’urbanisme vient introduire de significatives modifications affectant le traitement de ce contentieux.

Le contentieux de l’urbanisme est d’une redoutable complexité : il est en effet le résultat d’un équilibre fragile entre le droit au recours des tiers et la nécessité d’accélérer et de sécuriser la construction, en particulier celle de logements, notamment dans les zones tendues.

Il a surtout de sérieuses conséquences sur la mise en œuvre des projets eux-mêmes : bien que non suspensif, un recours a en effet des conséquences directes sur le financement des opérations, gelé, et l’appétence des acquéreurs ou locataires potentiels.

Face à ces constats, Madame Christine Maugüe, Conseillère d’Etat a, aux termes d’un rapport présenté le 11 janvier 2018 au Ministre de la Cohésion des Territoires, Jacques Mézard, formulé une séries de propositions orientées vers quatre objectifs :

  • la réduction des délais de jugement des recours contre les autorisations d’urbanisme,
  • la consolidation des autorisations existantes,
  • l’accroissement de la stabilité juridique des constructions achevées,
  • l’amélioration de la sanction des recours abusifs.

Certaines de ces propositions doivent faire l’objet de modifications législatives : tel est l’objet de l’article 24 du projet de loi portant Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique (dite loi ELAN), en cours de discussion par le Sénat. D’autres propositions figurent cependant d’ores et déjà dans le décret n° 2018-617 du 17 juillet 2018 portant modification du Code de justice administrative et du Code de l’urbanisme.

En substance, le décret prévoit :

  • L’obligation de confirmation, dans le délai d’un mois, par le requérant, et sauf en cas de pourvoi en cassation, du maintien de la requête au fond après le rejet de la requête en référé-suspension pour défaut de moyen sérieux d’annulation (article R.612-5-2) ; en cas de non confirmation, le requérant est réputé s’être désisté ;
  • La prolongation jusqu’au 31 décembre 2022 (au lieu du 1er décembre 2018) de la suppression du degré d’appel pour les contentieux dirigés contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d’habitation ou contre les permis d’aménagement un lotissement lorsque le projet est envisagé sur le territoire d’une commune à fortes tensions sur le marché du logement ;
  • L’obligation de notification R.600-1 est désormais applicable à toutes les décisions relatives à l’occupation ou l’utilisation du sol régies par le code de l’urbanisme ;
  • L’obligation de joindre au recours formé contre une décision d’occuper ou d’utiliser le sol un justificatif de l’intérêt pour agir (titre de propriété, bail, convention d’occupation, statuts pour les associations) (article R.600-4) ;
  • La réduction de 1 an à 6 mois du délai à compter duquel il n’est plus possible de demander l’annulation de l’autorisation de construire lorsque la construction est achevée (R.600-3) ;
  • Le renforcement du mécanisme de cristallisation des moyens : si jusqu’à présent c’était au juge administratif de fixer une date au-delà de laquelle aucun moyen nouveau ne peut être soulevé, c’est désormais l’article R.600-5 du Code de l’urbanisme qui fixe à deux mois après la production du premier mémoire en défense le délai au-delà duquel le requérant ne peut plus soulever de moyens nouveaux. Le juge peut néanmoins fixer une nouvelle date ;
  • La fixation d’un délai maximal de jugement de 10 mois s’agissant des recours formés contre les permis de construire un bâtiment comportant plus de 2 logements ou contre les permis d’aménager un lotissement (R.600-6) ;
  • La possibilité d’obtenir du greffe de la juridiction administrative un certificat de non recours contre une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol (R.600-7).

Les nouvelles rédactions des articles R.600-1, R.600-3, R.600-4, R.600-7 sont applicables aux décisions intervenues après le 1er octobre 2018 ; les articles R.600-5 et R.600-6 du Code de l’urbanisme, et R.612-5-2 du CJA sont applicables aux recours enregistrés à compter du 1er octobre 2018.

A rapprocher : Rapport de Christine Maugüe du 11 janvier 2018 : « Propositions de dispositions pour un contentieux de l’urbanisme plus rapide et plus efficace » ; Article 24 de la proposition de loi portant Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique (ELAN)

Sommaire

Autres articles

some
Permis de construire et régularisation : qui doit payer les frais irrépétibles ?
Conseil d’Etat, 28 mai 2021, Epoux V, req. n°437429 […] le Conseil d’Etat est venu apporter une inflexion à sa jurisprudence concernant les frais irrépétibles dans l’hypothèse où le rejet de la requête dirigée contre un permis de construire fait suite…
some
Loi Littoral
Espace stratégique et convoité, le domaine public maritime est soumis à une pression immobilière et économique croissante. Longtemps, l’État, propriétaire de ce domaine et en particulier des plages, n’a en effet pas cru utile ou opportun d’intervenir, ce qui explique…
some
La présomption d’urgence de l’article L.600-3 du Code de l’urbanisme prévue pour la suspension d’exécution d’une décision d’urbanisme est réfragable
Conseil d’Etat, 26 mai 2021, n°436902 La présomption d’urgence prévue par l’article L.600-3 du Code de l’urbanisme au bénéfice des requérants sollicitant la suspension provisoire de l’exécution d’une décision d’urbanisme est une présomption réfragable.  Ce qu’il faut retenir : Par un…
some
Ne statue pas ultra petita le juge qui, saisi d’une demande de résiliation d’un contrat administratif, en prononce l’annulation
Conseil d’Etat, 9 juin 2021, CNB et M. A., req. n°438047 L’office du juge du contentieux contractuel n’est pas limité par la demande du requérant qui sollicite la résiliation d’un contrat : il peut en prononcer l’annulation. Ce qu’il faut retenir :…
some
La décision par laquelle la CNAC se prononce de nouveau après annulation d’une décision antérieure au 15 février 2015 est une décision, et non un avis
CE, 27 janvier 2020, 4ème et 1ère chambres réunies, n°423529 Par un arrêt en date du 27 janvier 2020, le Conseil d’Etat vient préciser que « (…) lorsqu’à la suite d’une annulation contentieuse d’une décision de la CNAC antérieure au 15 février…
some
Le critère de préservation et revitalisation du centre-ville introduit par la loi ELAN est-il conforme à la Constitution ?
Conseil d'État, 13 décembre 2019, Conseil national des centres commerciaux, req. n°431724 Par une décision en date du 13 décembre 2019, le Conseil d’Etat a transmis au Conseil constitutionnel une question relative à la conformité, à la Constitution, des dispositions…