Pratique du bail commercial à l’ère de la Covid-19

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RAIMBERT Benoit

Avocat associé

Pour avoir accompagné depuis plusieurs mois, à notre place de conseil, des opérateurs (bailleurs ou preneurs) dans leur stratégie de gestion des incidences de la Covid-19 sur l’exécution de leurs baux commerciaux (et en particulier pour ce qui concerne la période de confinement), nous proposons de nous essayer à un premier bilan de cette période, dont il nous paraît ressortir 4 éléments principaux.

1/ Pour l’essentiel, les partenaires commerciaux ont transigé

Certes, le cynisme n’a pas disparu. On trouve des sociétés institutionnelles se voulant respectables qui, en tant que preneurs à bail à construction du terrain d’assiette de leurs actifs, soutiennent aux propriétaires que les loyers ne sont pas dus pour la période de confinement. Parallèlement, ils opposent à leurs sous-locataires commerciaux de ces mêmes actifs l’exigibilité des loyers pendant le confinement.

On ne peut pas non plus s’empêcher de penser à ce locataire condamné à payer ses loyers, y compris pour la période de confinement, après s’être si mal défendu que le tribunal judiciaire a cru utile de publier un communiqué de presse précisant que le preneur n’avait invoqué ni la force majeure ni l’inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance conforme1.

On se demandait ce que la justice pourrait bien faire et cette décision ne fait qu’illustrer qu’elle ne pourra pas tout. Elle n’est qu’un recours encore très aléatoire et qui doit rester subsidiaire. Et jusqu’à maintenant, elle le reste largement.

2/ Les discussions sont d’autant plus simples lorsque les circuits de négociations sont courts

Un entrepreneur qui exploite directement l’activité exercée dans le local qu’il loue trouvera, en moyenne, un accord plus rapidement avec son propriétaire bailleur.

Lorsqu’elles sont confiées à des property managers dont le souci légitime est de faire prévaloir les intérêts de leurs mandants plutôt que de préserver un équilibre contractuel considérablement fragilisé, les négociations sont moins fluides.

Mais il s’agit là d’un inconvénient mécanique des rigidités de la gestion immobilière (préexistantes à la Covid-19) qui demeure surmontable.

Un accord est simplement plus long à être trouvé dans ce contexte.

3/ Les accords conclus emportent le plus souvent des concessions à court terme très lourdes pour les bailleurs auxquels il est demandé d’abandonner jusqu’à 3 mois de loyers (correspondant à la période de confinement comprise entre le 12 mars et le 11 mai 20202)

Étonnamment (mais ils ont chacun de bonnes raisons de le faire), les commerces qui ont pu rester au moins partiellement ouverts pendant le confinement demandent les mêmes concessions à leurs bailleurs que les locataires totalement empêchés d’exploiter sur la période.

En contrepartie, les bailleurs sollicitent et obtiennent des assurances en termes de prévisibilité qui, dans un contexte toujours aussi incertain (il l’était déjà en matière commerciale avant la Covid-19 il l’est juste devenu davantage depuis), ne sont pas négligeables.

Et il ne faut pas exclure que les bailleurs qui consentent une dispense de loyer en contrepartie d’un réengagement ferme du locataire à un montant de loyer préservé pour plusieurs années ne font pas forcément une plus mauvaise opération que ceux qui s’acharnent à vouloir percevoir sans discernement les 3 mois de loyers correspondant à la période de confinement en s’exposant à un éventuel départ (ou à une éventuelle défaillance) à court ou moyen terme de leurs locataires.

4/ Les nouveaux baux conclus postérieurement à l’émergence de la Covid-19

En ce qui concerne les nouveaux baux conclus postérieurement à l’émergence de la Covid-19 et à la période de confinement, la plupart des locataires n’acceptent de signer des baux qu’avec une stipulation spécifique régissant une nouvelle interdiction d’ouverture ou imposant des conditions d’exploitation dégradées dans des conditions comparables à celles imposées par la Covid-19.

Plusieurs solutions sont envisagées, en fonction de la durée de l’interdiction notamment, et acceptées par les bailleurs. Aucune ne prévoit le paiement pur et simple de ses loyers et charges par le locataire en cas de reconfinement.

 

 

1 TJ Paris, 18ème ch., 10 juillet 2020, RG n. 20/04516, ayant fait l’objet d’un communiqué du Tribunal judiciaire de Paris en date du 15 juillet 2020.
2 Certains commerces et activités ayant été touchés plus durablement, comme les restaurants ou les salles de spectacles.

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