Des honoraires de gestion locative dans les baux commerciaux

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RAIMBERT Benoit

Avocat associé

Le décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014 fixant les modalités d’application de l’article L.145-40-2 et ayant institué l’article R.145-35 du Code de commerce, liste explicitement, parmi les dépenses ne pouvant pas être imputées au locataire, « les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l’immeuble faisant l’objet du bail ». Le nouveau texte n’écarte pas la faculté pour le bailleur de refacturer toute prestation relevant de la gestion locative, mais uniquement celles se rattachant spécifiquement à la « gestion des loyers ».

Comme la plupart des notions juridiques nées de la pratique, les honoraires de gestion facturés aux preneurs dans le cadre des baux commerciaux ne renvoient pas à un objet – plus ou moins clairement – défini par la loi (ou même, à défaut, par la jurisprudence) mais s’appréhendent plutôt par le besoin auquel ils répondent.

Ce besoin trouve son origine dans les multiples frais exposés par les propriétaires de locaux commerciaux en cours d’exécution du bail pour assurer matériellement le suivi des relations avec les locataires et de l’intervention des différents prestataires appelés à intervenir dans les locaux de l’immeuble dont ils dépendent.

Ces contraintes de gestion recouvrent des tâches très différentes (répondre aux demandes des locataires, appeler les loyers, assurer l’entretien de l’immeuble et les différentes prestations éventuellement offertes aux occupants…) et impliquent des dépenses qui, en fonction de la taille et du nombre du ou des actifs à gérer, peuvent s’avérer trop importantes pour que le propriétaire puisse les assumer seul (frais de personnel dédié, coût des fournitures, d’affranchissement, de fonctionnement…).

Protéiforme, la notion de gestion locative apparaît ainsi regrouper l’ensemble des tâches échéant au bailleur d’un local commercial :

  • Soit pour être en mesure d’exécuter lui-même les obligations stipulées à sa charge dans les baux (notamment l’ensemble des prestations communes et les travaux lui incombant),
  • Soit pour vérifier et/ou assurer la bonne exécution des baux par les locataires (recouvrer les loyers, vérifier l’état d’entretien des locaux et des équipements…).

Naturellement, c’est dans les centres commerciaux que les frais de gestion locative sont les plus lourds.

Et dans la mesure où, au début des années 2000, les puissants propriétaires de ces centres commerciaux étaient dans un rapport de force nettement défavorable aux locataires, ils ont imposé dans les baux des clauses mettant à la charge des preneurs :

  • Non seulement le remboursement de l’ensemble des frais engagés par le bailleur auprès de tiers dans le cadre de la gestion locative,
  • Mais également des honoraires rémunérant spécifiquement les prestations fournies par le bailleur lui-même (ou par un mandataire consistant, le plus souvent, en une filiale dédiée du propriétaire) au titre de la gestion locative.

Si les frais de gestion locative exposés par le bailleur auprès de prestataires extérieurs constituent des charges classiques aisément vérifiables, les honoraires de gestion locative rémunérant les prestations spécifiques du bailleur (ou de son mandataire) ont toujours souffert d’un manque de transparence :

  • D’une part, parce que les prestations couvertes par ces honoraires sont à la fois diverses, difficilement quantifiables et pas systématiquement vérifiables ;
  • D’autre part, du fait de leur mode de rémunération forfaitaire, fixé usuellement en fonction d’un pourcentage du loyer annuel hors taxes hors charges pouvant aller jusqu’à 5 % de celui-ci.

En dehors des centres commerciaux, certains locataires ont, à juste titre parfois, pu se sentir lésés par l’obligation qui leur était imposée de verser de tels honoraires forfaitaires à des propriétaires de petits actifs commerciaux (cellules individuelles isolées ou situées dans des retail parks) ne générant pour l’exécution normale du bail, aucune contrainte de gestion particulière, si ce n’est celle d’appeler et d’encaisser les loyers.

Dans ces cas extrêmes – mais très mal ressentis – les honoraires payés par les locataires au bailleur au titre de la gestion locative consistaient en réalité en une augmentation artificielle du loyer.

C’est dans ce contexte qu’à l’occasion de l’adoption de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014 (loi « Pinel »), dont l’objet principal a été de rééquilibrer les relations entre bailleurs et preneurs dans les baux commerciaux, le législateur a souhaité clarifier la répartition des charges entre les parties en favorisant une meilleure transparence des dépenses refacturées aux locataires.

Cette loi a introduit dans le Code de commerce l’article L.145-40-2 qui dispose que « tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire ».

La loi Pinel n’a donc pas évoqué directement la question des honoraires de gestion locative mais le décret n°2014-1317 du 3 novembre 2014 fixant les modalités d’application de l’article L.145-40-2 et ayant institué l’article R.145-35 du Code de commerce, liste explicitement, parmi les dépenses ne pouvant pas être imputées au locataire, « les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l’immeuble faisant l’objet du bail ».

Le nouveau texte n’écarte pas la faculté pour le bailleur de refacturer toute prestation relevant de la gestion locative, mais uniquement celles se rattachant spécifiquement à la « gestion des loyers ».

On peut regretter que la création de cette notion nouvelle – à laquelle ni la jurisprudence ni la doctrine ne se référait antérieurement à la loi Pinel – ne se soit accompagnée d’aucune définition réglementaire.

Mais force est d’admettre que toute tentative de définition abstraite permettant d’isoler, au sein de la gestion locative, les prestations relevant spécifiquement de la gestion des loyers est malaisée.

Lorsque l’on s’y essaie, on se heurte rapidement à des incertitudes insurmontables quant au point de savoir si telle ou telle prestation ou tâche du bailleur est, ou non, susceptible de relever de la gestion des loyers.

Ainsi et à titre d’illustration, les tâches suivantes :

Relèvent certainement de la gestion des loyers

Relèvent peut-être de la gestion des loyers

Ne relèvent vraisemblablement pas de la gestion des loyers

Quittancements des loyers

Diligences relatives à la fixation des loyers de renouvellement (Gestion et suivi des congés délivrés ou à délivrer aux locataires, demandes de renouvellement, etc.)

Gestion budgétaire et comptable des charges de toute nature

Encaissements des loyers

Actualisation des loyers

Suivi et traitement des réclamations des locataires relatives à leurs loyers (amiable et/ou contentieux)

Gestion des contrats avec les tiers (entretien, assurances, travaux…)

Indexation annuelle des loyers

Révision triennale des loyers

Gestion des impayés de loyers

Fonction technique : tenue et suivie du registre de sécurité, états des lieux, relevés des compteurs…

A la suite du décret du 3 novembre 2014, personne d’ailleurs ne s’est essayé en doctrine à définir la gestion des loyers. Et, à notre connaissance, la jurisprudence n’est à ce jour d’aucun secours en la matière.

Pour pallier l’absence de définition légale et jurisprudentielle, se sont développées des définitions contractuelles distinguant, sous forme de liste, les prestations du bailleur susceptibles de relever de la gestion des loyers de celles qui n’en relèveraient pas (et qui sont désormais désignées couramment dans les baux comme se rattachant à la gestion technique et/ou immobilière).

Une telle liste ne peut toutefois pas être exhaustive et ne règle donc pas le sort des prestations qui n’y figurent pas. L’ambiguïté profitant au locataire, le bailleur ne saurait alors prétendre à quelque rémunération que ce soit pour des prestations non expressément mentionnées au titre de la gestion technique et/ou immobilière.

Une solution alternative consiste à définir contractuellement la notion de gestion locative uniquement, comme une catégorie fermée de prestations regroupant exclusivement les diligences du bailleur se rattachant, dans le cadre de l’exécution normale du bail (c’est-à-dire en dehors de toute contestation) se rapportant au quittancement, à l’encaissement, à l’actualisation, à l’indexation et/ou à la révision des loyers. Toutes les autres tâches intégrant la catégorie ouverte de la gestion technique et/ou immobilière.

Il s’agit d’un procédé plus sécurisant pour le bailleur mais l’article R.145-35 du Code de commerce étant à n’en pas douter d’ordre public, une telle répartition reste susceptible d’être remise en cause judiciairement en cas de contentieux.

Quoi qu’il en soit, l’entrée en vigueur de l’article R.145-35 du Code de commerce, combinée à une conjoncture ayant renforcé la position des locataires à l’égard des bailleurs commerciaux, a eu deux principales implications :

  1. La première est d’avoir généré chez les preneurs une exigence accrue de visibilité – qui ne peut pas être totalement satisfaite – en ce qui concerne la nature des prestations qui leur sont refacturées au titre de la gestion technique et/ou immobilière (c’est-à-dire la partie de la gestion locative ne relevant pas de la gestion des loyers) ;

  2. La seconde est d’avoir favorisé une limitation du montant des honoraires refacturés au titre de la gestion technique et immobilière (que sont désormais fixés à 2-3 % du montant du loyer, hors charges hors taxes, plutôt qu’à 5 %) voire à leur suppression, de plus en plus fréquente en dehors des baux de centres commerciaux.

A rapprocher : Loi n°2014-626 du 18 juin 2014 (loi « Pinel ») ; Article R.145-35 du Code de commerce

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