Bail commercial : nouvel éclairage sur l’annulation des clauses d’indexation

Cass. civ. 3ème, 29 novembre 2018, n°17-23.058, Publié au bulletin

Lorsqu’une clause d’indexation stipulée dans un bail commercial prévoit la prise en compte d’une période de variation de l’indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision, seule la distorsion prohibée est réputée non écrite sur le fondement de l’article L.112-1 du Code monétaire et financier et non la clause en son entier.

Ce qu’il faut retenir : Lorsqu’une clause d’indexation stipulée dans un bail commercial prévoit la prise en compte d’une période de variation de l’indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision, seule la distorsion prohibée est réputée non écrite sur le fondement de l’article L.112-1 du Code monétaire et financier et non la clause en son entier.

La Cour de cassation dissocie alors en l’espèce la première indexation du loyer qui n’était pas conforme aux règles du Code monétaire et financier, des indexations suivantes qui étaient valables et répute non écrite exclusivement la partie de clause litigieuse.

Pour approfondir : La clause d’indexation stipulée au bail prévoyait que : « Le réajustement du loyer se fera en vertu de la présente clause chaque année le premier janvier. L’indice de référence, chaque année, sera celui du mois de juillet de l’année précédente. Pour la première révision, l’indice de base sera celui du mois de juillet 1999 ».

Le preneur, estimant que la clause d’indexation stipulée au bail est illicite au regard de sa violation des dispositions de l’article L.112-1, alinéa 2, du Code monétaire et financier, en vertu duquel « est réputée non écrite toute clause d’un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d’une période de variation de l’indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision », a assigné son bailleur devant le Tribunal de grande instance afin d’obtenir l’annulation de la clause en son entier et la restitution des trop-perçus de loyer.

Le preneur fait valoir que la clause d’indexation créait une distorsion prohibée par la loi dès lors que l’indice de base retenu pour la première révision est celui du mois de juillet 1999, entrainant ainsi une variation annuelle de l’indice supérieure à la durée de sept mois écoulée entre la prise d’effet du bail du 1er juin 2000 et la première révision du loyer au 1er janvier 2001.

Le bailleur soutenait quant à lui qu’il s’agissait, pour la première indexation, d’une erreur matérielle des parties et qu’une distorsion ne pouvait-être caractérisée dès lors que toutes les indexations suivantes à compter du 1er janvier 2002, ont été réalisées selon une période de 12 mois en appliquant des indices correspondants à la même période de variation.

La Cour d’appel a fait droit à la demande du preneur en annulant en son entier l’indexation considérant que la clause d’indexation violait les dispositions d’ordre public de l’article L.112-1 du Code monétaire et financier et que, dès lors, celle-ci devait être réputée non écrite en son entier.

La troisième Chambre civile de la Cour de cassation a censuré cette décision considérant que seule la stipulation qui créait la distorsion prohibée devait être réputée non écrite et non la clause en son entier. La Haute Cour explique que la clause en question prévoyait un premier ajustement, certes illicite mais ponctuel et que le reste la clause était conforme aux règles du Code monétaire et financier.

La publicité attachée à cet arrêt pour notamment être publié sur le site de la Cour de cassation nous laisse à penser que par cette décision la Cour de cassation souhaite apporter un nouvel éclairage sur l’annulation des clauses d’indexation qui pourrait n’être que partielle.

L’arrêt de la Cour d’appel est intéressant à un autre égard car elle retient que l’indice national du bâtiment dit « BT01 », utilisé dans le cadre d’opérations de construction, n’a pas de relation directe avec l’objet du bail commercial en question. En revanche, celle-ci déduit des termes « par voie de construction » figurant dans les statuts du bailleur, que ce dernier dispose d’un statut de constructeur en relation directe avec l’indice national du bâtiment BT01, de sorte que cet indice peut être valablement retenu en l’espèce.

A rapprocher :  Article L.112-1 du Code monétaire et financier ; Article L.112-2 du Code monétaire et financier ; Cass. civ. 3ème, 14 janvier 2016, n°14-24.681

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