La clause d’accession n’empêche pas l’indemnisation du preneur pour ses frais de réinstallation

Cass. civ. 3ème, 13 septembre 2018, n°16-26.049, FS-P+B+I

Le preneur doit être indemnisé par le bailleur au titre des frais de réinstallation de son activité suite à un refus de renouvellement et ce, quand bien même les aménagements et équipements réalisés par le preneur évincé accèdent gratuitement à la propriété du bailleur en fin de bail.

Le bail en question stipulait une clause d’accession des aménagements réalisés par le preneur à la fin du bail sans indemnité au profit du bailleur. Le bail avait été renouvelé plusieurs fois et à raison du refus de renouvellement, le preneur devait être indemnisé de son éviction des locaux loués. En l’espèce, l’activité du preneur ayant été considérée comme transférable dans d’autres locaux la question de l’indemnisation des frais de réinstallation par le bailleur a été posée.

La Cour d’appel a retenu l’indemnisation du preneur considérant que le preneur n’ayant pas conservé à l’issue des renouvellements, la propriété des installations effectuées dans les lieux loués (donnés à bail à l’état brut de décoffrage, sans clôture ni vitrine…) il doit être indemnisé des installations dont le bailleur était devenu propriétaire préalablement à l’éviction.

Le bailleur forme un pourvoi en alléguant à titre principal que l’indemnité d’éviction doit s’apprécier en l’état de locaux sans les constructions et améliorations réalisées par le preneur en cours de bail et à titre subsidiaire, que dans le cas où le bail a fait l’objet d’un ou plusieurs renouvellements l’indemnité d’éviction doit s’apprécier en l’état des locaux sans les constructions et améliorations réalisés par le preneur qui auraient entre-temps accédé à la propriété du bailleur.

La Cour de cassation, par substitution de motifs, rejette le pourvoi du bailleur et énonce qu’une clause d’accession sans indemnité stipulée au profit du bailleur ne fait pas obstacle au droit du preneur évincé d’être indemnisé des frais de réinstallation dans un nouveau local bénéficiant d’aménagements et équipements similaires à celui qu’il a été contraint de quitter.

La Cour de cassation tranche donc, en termes clairs et précis la question de l’articulation entre les règles régissant l’accession et l’indemnisation du preneur, pour finalement écarter les effets de l’accession sur l’indemnisation du preneur.

La Cour de cassation avait toutefois entretenu le doute sur sa position. Dans une décision rendue précédemment, elle refusait d’indemniser le preneur au titre des frais de réinstallation pour la construction d’un nouveau bâtiment devenu la propriété du bailleur en fin de bail (Civ.3ème 21 mai 2014, n°13-10.257). Cependant, elle avait déjà retenu auparavant que les aménagements spécifiques, semblables à ceux perdus, devaient être indemnisés (Civ. 3ème 27 nov. 2012, n°11-15.373).

La solution retenue dans cet arrêt s’inscrit dans une certaine logique puisque le preneur qui ne peut pas transférer ses aménagements et équipements à raison de l’éviction décidée par le bailleur doit pouvoir être indemnisé à ce titre.

Eu égard à la généralité des termes qu’elle utilise mais aussi à la large publicité de cet arrêt, pour figurer à la fois au bulletin officiel et sur le site de la Cour de cassation, on en déduit que la Haute Juridiction a souhaité clarifier les règles relatives aux conditions de fixation de l’indemnité d’éviction.

A rapprocher : Cass. civ. 3ème, 27 nov. 2012, n°11-15.373 ; Cass. civ. 3ème, 21 mai 2014, n°13-10.257

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