Bail commercial : si l’activité est saisonnière, le preneur ne bénéfice pas du statut

Cass. civ. 3ème, 5 avril 2018, n°17-10.610

L’exploitation saisonnière d’un local commercial est exclusive du statut des baux commerciaux et ce, quand bien même le contrat conclu excède la durée de la saison en question.

Ce qu’il faut retenir : L’exploitation saisonnière d’un local commercial est exclusive du statut des baux commerciaux et ce, quand bien même le contrat conclu excède la durée de la saison en question.

Pour approfondir : En l’espèce, l’exploitant exerçait depuis plus de 30 ans une activité de restauration dans un chalet au pied des pistes skiables et s’est vu consentir par la commune de Praz-sur-Arly, devenue propriétaire du terrain en 1997, un contrat qualifié par les parties de « convention d’occupation précaire » pour la saison d’hiver 2009-2010. La convention, tacitement reconduite, a été dénoncée par la commune le 22 septembre 2011.

Par suite, les parties ont signé une nouvelle « convention d’occupation précaire », le 12 décembre 2011 pour une durée d’un an. A l’expiration de cette seconde convention, la commune a délivré congé, puis a introduit une action en référé devant le Tribunal administratif de Grenoble pour demander l’expulsion de l’exploitant et le démantèlement du chalet, ce qu’elle a obtenu par ordonnance du 24 août 2012.

L’exploitant a alors assigné la commune devant le Tribunal de grande instance de Bonneville en reconnaissance de l’existence d’un bail commercial et au versement d’une indemnité d’éviction. Il a été débouté de ses demandes en première instance et la Cour d’appel confirme le jugement en procédant au raisonnement suivant :

  • La première convention d’occupation précaire doit être requalifiée de bail dérogatoire car la condition de précarité, qui suppose que le bailleur ne puisse assurer la pérennité de la jouissance des lieux au preneur en raison d’un événement particulier, faisait défaut ;
  • La seconde convention, en revanche, peut être qualifiée de convention d’occupation précaire puisque le critère objectif de précarité, tenant à hypothèse d’un démarrage des travaux d’aménagement du front de neige, était caractérisé.

En dehors de la question relative à la précarité, la Cour d’appel relève que l’exploitation ne présenterait pas un caractère saisonnier, ce qui exclut l’application du statut.

La Cour de cassation laisse de côté la question relative à l’existence d’une condition de précarité et s’en tient à constater le caractère saisonnier de l’activité exercée par l’exploitant, exclusif du statut des baux commerciaux :

  • La première convention d’occupation précaire doit être qualifiée de location saisonnière, considérant que l’exploitant avait lui-même invoqué les difficultés liées au caractère saisonnier de son activité, n’avait pas démontré avoir exercé son activité de restauration toute l’année et que le loyer avait été convenu forfaitairement pour cinq mois d’occupation ;
  • La seconde convention d’occupation précaire du 12 décembre 2011, même si elle a été conclue pour une durée d’un an avec un loyer annuel, s’est également vue refuser la qualification de bail commercial.

La Cour de cassation ne s’en tient ainsi pas à la durée annuelle visée par les parties dans la convention, qui excède la « saison », mais se fonde sur la réalité de l’exploitation, exercée de manière saisonnière.

A noter que la commune prétendait également, pour faire échec à l’application du statut des baux commerciaux, que le bien litigieux faisait partie du domaine public. Ce moyen dont le bien-fondé ne pouvait être apprécié que par le juge administratif n’est pas étudié ici mais devient inutile au regard de la décision rendue.

A rapprocher : Article L.145-5 Code de commerce ; Cass. civ. 3ème, 13 novembre 1979, n°78-13.149 ; Cass. civ. 3ème, 1er mars 1972, n°70-14.539

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